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Le général Bernard Messala
 

Suicide de l’État de droit

B.Messala

 

 

Le 25 mars, mon quotidien a titré en gros caractères, sous la photo du visage du lieutenant-colonel Beltrame, « Il s’est sacrifié ». Et, tout en comprenant la volonté de rendre ainsi hommage à cet officier courageux et d’un exceptionnel dévouement, allé même « jusqu’au sacrifice suprême », comme le revendiquent fièrement les statuts du militaire, j’ai eu le sentiment que les termes utilisés ne traduisaient pas la réalité des faits. Ils pouvaient même en fausser le sens. 

 

Le lieutenant-colonel Beltrame n’est pas « allé » au sacrifice, il n’est pas l’agneau pascal, il n’a pas « donné » sa vie, il l’a risquée, « pour son Pays, pour sa Patrie ». Officier d’excellence, au physique exceptionnel, au moral puissant, il a jugé que ce terroriste islamiste qui s’était introduit dans la supérette de Trèbes n’était pas un professionnel endurci. Dangereux certes car « fou de Dieu », jeune, imprévisible, mais vulnérable puisqu’il avait eu la faiblesse d’accepter le dialogue et l’échange d’otages. Le réduire à merci était donc chose risquée certes, mais faisable pour le lieutenant-colonel, et il était, sur ce terrain précis, dans ces circonstances, le plus qualifié pour tenter le duel, en vrai professionnel. Et puis c’était là son devoir de soldat. C’est ainsi qu’il a décidé de remplacer et sauver la femme gardée en otage, pour affronter, seul, le terroriste. Ils sont alors restés face à face pendant un temps très long,- plus de deux heures- ce qui autorise à penser que l’officier s’attachait à exploiter la faille psychologique qu’il avait décelée. Et puis quelque chose s’est produit que nous ne savons pas, - parole, geste, événement extérieur …-, et le terroriste a tué. Et il a été abattu.

 

Les discours de compassion et de chagrin louant qui le « martyre » du colonel, qui le fait d’avoir « donné » sa vie, de s’être « sacrifié », sont profondément sincères, et personne n’en doute. Ils n’ont toutefois pas été accompagnés du discours de combat nécessaire. Dès lors, les terroristes en puissance, tapis dans « l’islamisme souterrain » évoqué par le président de la République, risquent de n’avoir retenu qu’un message de faiblesse. Pour ces islamistes, c’est le terroriste abattu qui est un martyr glorieux, un héros ; il a donné sa vie pour supprimer des « infidèles », avec enthousiasme. Si  les « kouffar » se contentent de pleurer la mort de leur héros, louer son sacrifice, sa volonté de martyre, c’est tant mieux. Sans doute ont-ils peur. Dans ces centaines de zones de non-droit où sévissent aujourd’hui les islamistes, on savoure la nouvelle. La tâche des futurs tueurs n’en sera que plus facile.

 

C’est donc fausser le sens du geste du colonel que de ne parler que du « martyre ». Son geste  est un acte de combat. Quand le Premier ministre clame que cet officier « incarne la République, il est son image, son corps », a t’il en tête l’image d’une République martyre, d’une Marianne posant sa tête sur le billot ? Non, le colonel « incarne l’esprit français de résistance » dira le président de la République, ajoutant que « nous l’emporterons grâce au calme et la résilience des Français. Nous l’emporterons par la cohésion d’une nation rassemblée ».

 

Mais cela n’est pas suffisant. M. Hollande, en son temps, avait déclaré que nous étions en guerre, sans toutefois se résigner à désigner clairement notre ennemi. M. Macron, lui, vient de le faire avec clarté, c’est l’islamisme. Mais il ne parle que de « résistance » à cet ennemi, mot qui révèle une posture fondamentalement défensive. En déclenchant l’opération Serval, au Mali, M. Hollande avait par contre été limpide, enjoignant à nos forces de « détruire » l’adversaire. Aujourd’hui où le combat se livre sur notre sol, enjoindre de « résister » ne signifie pas détruire. Le colonel Beltrame, issu des écoles de Saint-Cyr, en connaissait la devise, « Ils s’instruisent pour vaincre ». Lui voulait vaincre, pas résister, et, comme chef, il se devait d’en montrer le chemin. Sans doute voulait-il sauver un otage, mais il voulait aussi détruire l’adversaire.

 

On sent donc aujourd’hui chez nos responsables une attitude incertaine, et on en comprend la raison : ces terroristes tuent au nom de l’islam, et pourtant tous les musulmans ne sont pas terroristes. Mais comment, en France, séparer le bon grain de l’ivraie dans cette masse confuse où les « bons » ne semblent pas vouloir ou pouvoir dénoncer les « méchants » ? Alors, englués dans la nécessité de sauvegarder un « vivre ensemble » chancelant, les responsables  se résignent à vivre sous la menace de quelques tueurs illuminés, et à ne réagir qu’au coup par coup à l’évènement ? Certains démentiront, avec raison peut-être, affirmant que nombre d’entreprises criminelles sont aujourd’hui déjouées avant leur déclenchement ? Mais, faute de preuves avouables, n’est-ce pas là encore ajouter au malaise général, en affirmant que la menace est encore pire que celle qui se manifeste ?

 

Pourquoi se refuser à comprendre que les citoyens sont las de subir, et veulent se battre ? L’exemple du colonel Beltrame les transporte. Il suffit de voir combien les centres de recrutement des forces de l’ordre sont assaillis de demandes d’engagement après les attentats. A cet engagement massif qui traduit bien cette « cohésion » voulue par le Président, ne répond cependant aucun message de combat pouvant traduire une volonté offensive :

  • celle de réduire ces listes interminables de suspects fichés en éliminant ceux qui, étrangers ou binationaux à déchoir de la nationalité française, sont à expulser, et créer pour ceux qui restent les conditions d’un suivi crédible ;

  • celle de reconquérir sans faiblesse ces zones de non droit où l’on acclame les terroristes et caillasse journalistes et représentants de l’ordre ;

  • celle d’imposer à l’islam en France les règles de la vie républicaine, que l’on a su imposer aux juifs en 1808, aux chrétiens en 1905 ;

  • celle d’appliquer les lois et règlements, avec la fermeté voulue, comme ne le démontre pas le traitement de la ZAD de Notre Dame des Landes, toujours occupée, ou ces clandestins au droit d’asile refusé, mais toujours présents sur notre sol ;

  • et bien d’autres…

 

Mais, à ces invocations, on sait la réponse de l’État procureur : la France est un État de Droit. Oubliant que ce Droit a été fait par les hommes, pour le bien des hommes, l’harmonie de notre société. Et donc, s’il devient un carcan étouffant, il faut savoir le rompre. A moins d’aspirer au suicide.

 

Ou bien d’attendre que devant la situation intenable, le politique ne se tourne alors vers l’officier, et lui demande : «  Réglez moi ça, mon colonel ». Comme à Alger en 1957. Soudain le besoin d’un chef qui décide resurgit… Sans doute a-t-on noté, dans les hommages innombrables adressés au colonel Beltrame celui, simple et vrai, d’un de ses sous-officiers : « Moi, je n’ai pas perdu un héros, j’ai perdu un Chef ».

 

On s’apprête dans les prochaines semaines, à célébrer Mai 68… Et si, en Mai 2018, les mots d’ordre étaient « Il est nécessaire d’interdire ! », « Faites la guerre, l’amour peut attendre ! ».

 

 

Général (2s) Bernard MESSANA
30 mars 2018

 

 

 

 

 

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