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Le 25 mars, mon quotidien a titré en gros caractères,
sous la photo du visage du lieutenant-colonel Beltrame, « Il s’est
sacrifié ». Et, tout en comprenant la volonté de rendre ainsi
hommage à cet officier courageux et d’un exceptionnel dévouement,
allé même « jusqu’au sacrifice suprême », comme le revendiquent
fièrement les statuts du militaire, j’ai eu le sentiment que les
termes utilisés ne traduisaient pas la réalité des faits. Ils
pouvaient même en fausser le sens.
Le lieutenant-colonel Beltrame n’est pas « allé » au
sacrifice, il n’est pas l’agneau pascal, il n’a pas « donné » sa
vie, il l’a risquée, « pour son Pays, pour sa Patrie ». Officier
d’excellence, au physique exceptionnel, au moral puissant, il a jugé
que ce terroriste islamiste qui s’était introduit dans la supérette
de Trèbes n’était pas un professionnel endurci. Dangereux certes car
« fou de Dieu », jeune, imprévisible, mais vulnérable puisqu’il
avait eu la faiblesse d’accepter le dialogue et l’échange d’otages.
Le réduire à merci était donc chose risquée certes, mais faisable
pour le lieutenant-colonel, et il était, sur ce terrain précis, dans
ces circonstances, le plus qualifié pour tenter le duel, en vrai
professionnel. Et puis c’était là son devoir de soldat. C’est ainsi
qu’il a décidé de remplacer et sauver la femme gardée en otage, pour
affronter, seul, le terroriste. Ils sont alors restés face à face
pendant un temps très long,- plus de deux heures- ce qui autorise à
penser que l’officier s’attachait à exploiter la faille
psychologique qu’il avait décelée. Et puis quelque chose s’est
produit que nous ne savons pas, - parole, geste, événement
extérieur …-, et le terroriste a tué. Et il a été abattu.
Les discours de compassion et de chagrin louant qui
le « martyre » du colonel, qui le fait d’avoir « donné » sa vie, de
s’être « sacrifié », sont profondément sincères, et personne n’en
doute. Ils n’ont toutefois pas été accompagnés du discours de combat
nécessaire. Dès lors, les terroristes en puissance, tapis dans
« l’islamisme souterrain » évoqué par le président de la République,
risquent de n’avoir retenu qu’un message de faiblesse. Pour ces
islamistes, c’est le terroriste abattu qui est un martyr glorieux,
un héros ; il a donné sa vie pour supprimer des « infidèles », avec
enthousiasme. Si les « kouffar » se contentent de pleurer la mort
de leur héros, louer son sacrifice, sa volonté de martyre, c’est
tant mieux. Sans doute ont-ils peur. Dans ces centaines de zones de
non-droit où sévissent aujourd’hui les islamistes, on savoure la
nouvelle. La tâche des futurs tueurs n’en sera que plus facile.
C’est donc fausser le sens du geste du colonel que de
ne parler que du « martyre ». Son geste est un acte de combat.
Quand le Premier ministre clame que cet officier « incarne la
République, il est son image, son corps », a t’il en tête l’image
d’une République martyre, d’une Marianne posant sa tête sur le
billot ? Non, le colonel « incarne l’esprit français de résistance »
dira le président de la République, ajoutant que « nous
l’emporterons grâce au calme et la résilience des Français. Nous
l’emporterons par la cohésion d’une nation rassemblée ».
Mais cela n’est pas suffisant. M. Hollande, en son
temps, avait déclaré que nous étions en guerre, sans toutefois se
résigner à désigner clairement notre ennemi. M. Macron, lui, vient
de le faire avec clarté, c’est l’islamisme. Mais il ne parle que
de « résistance » à cet ennemi, mot qui révèle une posture
fondamentalement défensive. En déclenchant l’opération Serval, au
Mali, M. Hollande avait par contre été limpide, enjoignant à nos
forces de « détruire » l’adversaire. Aujourd’hui où le combat se
livre sur notre sol, enjoindre de « résister » ne signifie pas
détruire. Le colonel Beltrame, issu des écoles de Saint-Cyr, en
connaissait la devise, « Ils s’instruisent pour vaincre ». Lui
voulait vaincre, pas résister, et, comme chef, il se devait d’en
montrer le chemin. Sans doute voulait-il sauver un otage, mais il
voulait aussi détruire l’adversaire.
On sent donc aujourd’hui chez nos responsables une
attitude incertaine, et on en comprend la raison : ces terroristes
tuent au nom de l’islam, et pourtant tous les musulmans ne sont pas
terroristes. Mais comment, en France, séparer le bon grain de
l’ivraie dans cette masse confuse où les « bons » ne semblent pas
vouloir ou pouvoir dénoncer les « méchants » ? Alors, englués dans
la nécessité de sauvegarder un « vivre ensemble » chancelant, les
responsables se résignent à vivre sous la menace de quelques tueurs
illuminés, et à ne réagir qu’au coup par coup à l’évènement ?
Certains démentiront, avec raison peut-être, affirmant que nombre
d’entreprises criminelles sont aujourd’hui déjouées avant leur
déclenchement ? Mais, faute de preuves avouables, n’est-ce pas là
encore ajouter au malaise général, en affirmant que la menace est
encore pire que celle qui se manifeste ?
Pourquoi se refuser à comprendre que les citoyens
sont las de subir, et veulent se battre ? L’exemple du colonel
Beltrame les transporte. Il suffit de voir combien les centres de
recrutement des forces de l’ordre sont assaillis de demandes
d’engagement après les attentats. A cet engagement massif qui
traduit bien cette « cohésion » voulue par le Président, ne répond
cependant aucun message de combat pouvant traduire une volonté
offensive :
-
celle de réduire ces listes interminables de
suspects fichés en éliminant ceux qui, étrangers ou binationaux
à déchoir de la nationalité française, sont à expulser, et créer
pour ceux qui restent les conditions d’un suivi crédible ;
-
celle de reconquérir sans faiblesse ces zones de
non droit où l’on acclame les terroristes et caillasse
journalistes et représentants de l’ordre ;
-
celle d’imposer à l’islam en France les règles de
la vie républicaine, que l’on a su imposer aux juifs en 1808,
aux chrétiens en 1905 ;
-
celle d’appliquer les lois et règlements, avec la
fermeté voulue, comme ne le démontre pas le traitement de la ZAD
de Notre Dame des Landes, toujours occupée, ou ces clandestins
au droit d’asile refusé, mais toujours présents sur notre sol ;
-
et bien d’autres…
Mais, à ces invocations, on sait la réponse de l’État
procureur : la France est un État de Droit. Oubliant que ce Droit a
été fait par les hommes, pour le bien des hommes, l’harmonie de
notre société. Et donc, s’il devient un carcan étouffant, il faut
savoir le rompre. A moins d’aspirer au suicide.
Ou bien d’attendre que devant la situation intenable,
le politique ne se tourne alors vers l’officier, et lui demande : «
Réglez moi ça, mon colonel ». Comme à Alger en 1957. Soudain le
besoin d’un chef qui décide resurgit… Sans doute a-t-on noté, dans
les hommages innombrables adressés au colonel Beltrame celui, simple
et vrai, d’un de ses sous-officiers : « Moi, je n’ai pas perdu un
héros, j’ai perdu un Chef ».
On s’apprête dans les prochaines semaines, à célébrer
Mai 68… Et si, en Mai 2018, les mots d’ordre étaient « Il est
nécessaire d’interdire ! », « Faites la guerre, l’amour peut
attendre ! ».
Général (2s) Bernard
MESSANA
30 mars 2018
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