A
une petite remarque écrite sur Facebook (FB) par le Colonel
(er) Olivier Sastre, l'attaché parlementaire d'un député
LREM de Vendée croit malin d'insulter le colonel (er)
Olivier Sastre qui évoquait simplement (et fort
courtoisement) une petite imprécision sémantique dans le
discours d'Emmanuel Macron lors des funérailles du Colonel
Beltrame.
Devant le ton agressif voire insultant d'Alexis Texier, on
lira avec intérêt la réponse argumentée tout en finesse,
sérénité et délicatesse de l'ancien commandant d'une
Promotion l’Ecole militaire interarmes (EMIA).
Alexis Texier :
Quel intérêt de s’adresser au Président de la
République via Facebook excepté pour faire polémique ou
travailler son ego ?
Avec tout mon respect, j’espérais que votre rang était
synonyme d’intelligence, aujourd’hui, je confirme que
l’habit ne fait pas le moine...
Olivier Sastre Monsieur
l’attaché parlementaire,
Vous avez bien voulu me faire l’honneur de commenter une
publication sur mon mur Facebook, laissant une question
ouverte, celle de l’intérêt de ma démarche, et un constat
subséquent, celui de mon intelligence déficiente. Je vous
remercie d’avoir pris ce temps et vous prie d’excuser une
réponse aussi tardive, qui n’est pas due à mon manque
d’intérêt pour votre critique, mais au simple désir que
j’avais, de profiter avec les miens du long week-end
pascal.
« Quel intérêt de s’adresser au Président de la
République via Facebook excepté pour faire polémique ou
travailler son ego ? » vous demandez-vous de façon
liminaire, en regrettant d’emblée que, comme dans la plupart
des démocraties, ce droit de commentaire public du discours
public d’un homme public puisse faire jaillir une polémique,
et de la même façon que ce commentaire puisse être bénéfique
à mon ego.
Ce droit de commentaire public, je l’enfourche parce que je
pense sincèrement qu’une polémique, même vigoureuse, est une
manifestation de bonne santé dans une démocratie, pour peu
qu’elle soit constructive et qu’elle ne se focalise pas sur
les hommes ou les femmes, mais bien sur les faits et les
décisions qui peuvent avoir du poids dans la construction de
l’avenir de notre pays. C’est le premier intérêt que je
distingue dans le fait de m’être adressé au président de la
République. Je suis navré que cela vous peine.
Vous observerez avec moi, que je me montre touché par la
solennité du discours du président. Il a rendu un très bel
hommage au Colonel Beltrame, à sa famille et à ses
compagnons d’armes et je le souligne. Il a mis un nom sur
l’ennemi, clairement, courageusement et sans se cacher
derrière son petit doigt. Plaçant le colonel Beltrame dans
la lignée des grands Résistants, il en a fait un héros
national et c’est une belle image.
En revanche, en faisant de cet officier de
gendarmerie une figure qui nous exhorte à résister, je crois
qu’il se trompe. Résister, c'est ce qu'ont été
forcés de faire les Français qui voulaient chasser
l'envahisseur nazi, parce que la montée de ce péril n'avait
pas pu être jugulée quand elle aurait pu l’être.
De nombreux hommes politiques ont porté une très lourde
responsabilité dans la défaite qui a d’abord été morale :
adoption et diffusion d'un pacifisme irréfléchi entraînant
des choix stratégiques inadaptés ( ligne Maginot), torpeur
devant le réarmement de l’Allemagne, attentisme et coupable
inaction devant la politique agressive du Reich, aveuglement
diplomatique et dépréciation de la voix de la France
promouvant la mentalité "munichoise", impréparation
industrielle et humaine de la guerre...
Aujourd'hui, nous nous trouvons encore dans la possibilité
de combattre notre ennemi, sur notre sol comme à
l’extérieur. Oui, nous sommes encore dans le temps du
combat, et pas dans celui de la Résistance. Et quelque soit
mon respect pour la Résistance (mes deux grands-pères ont
été résistants, l'un d'entre eux déporté), je pense que la
Résistance, c'est ce qui vient trop tard, quand on n'a pas
eu le courage de combattre à temps. Or, il est encore temps
et le chef des armées de la République ne doit pas s’y
tromper.
Le président a présenté le lieutenant-colonel
Beltrame comme un élève-officier de Saint-Cyr. Ce
qui peut paraître un détail pour l’auditeur moyen de BFMTV,
voire le bon bourgeois informé, n’en est pas un en vérité.
L’Ecole militaire Interarmes (EMIA), dont est issu cet
officier valeureux est distincte de Saint-Cyr par son
recrutement. Elle symbolise mieux qu’une autre l’élitisme du
creuset républicain. Elle s’adresse aux sous-officiers et
aux militaires du rang qui, recrutés par concours, peuvent
ainsi servir comme officiers. Pour les meilleurs d’entre
eux, c’est un peu comme si un fonctionnaire de catégorie C
achevait sa carrière comme administrateur civil hors classe.
C’est une école qui permet, à ceux qui n’ont pas eu la
chance de faire une classe préparatoire aux grandes écoles,
ou qui sont issus d’un milieu qui n’a pas favorisé leurs
études de rattraper un train qu’ils n’avaient même pas
entendu passer.
Lorsque le Président de la République annonce qu’Arnaud
Beltrame est saint-cyrien, il oublie que lui-même est fils
de médecins, qu’il a fait de bonnes études à Henri IV avant
de faire Sciences-Po Paris et l’ENA, de rejoindre
l’inspection des finances, puis une banque d’affaires
américaine. Se rend-il compte qu’en commettant cette erreur,
que vous pensez vénielle, il affiche un profond mépris pour
tous ceux qui sont devenus officiers sans être « sortis de
Saint-Cyr ». Il raye d’un trait les quelque 25 000 officiers
de recrutement « semi-direct » qui sont morts pour la
France, avant Arnaud Beltrame.
Alors, Monsieur l’attaché parlementaire, et c’est
précisément le second intérêt de ma démarche : par fidélité
à ce que fut Arnaud Beltrame, à l’Ecole qui l’a formé et
dont il a été fièrement le major et le porte-drapeau, j’ai
cru utile de replacer de vrais mots sur de vraies gens et de
vrais choix. Et je l’ai fait en dehors de toute idée
polémique, par esprit de justice et par goût de la vérité.
Je passerai rapidement sur la perspective que vous
évoquez et selon laquelle je travaillerais mon ego.
Je connais trop peu le sabir des psychologues de comptoir
pour avoir une idée de ce que « travailler son ego »
peut signifier. Je viens d’un monde où seuls le groupe et sa
cohésion valent. L’estime de mes chefs, la camaraderie de
mes pairs et de mes subordonnés m’ont suffi jusqu’ici sans
que j’aie à chercher le moindre assentiment dans le monde
politique. Vous comprendrez que je reste sur cette ligne et
que votre opinion m’importe assez peu.
J’en viens maintenant à un intérêt auquel vous n’avez
peut-être pas songé. S’adresser au Président de la
République de façon respectueuse, au nom de la vérité, a
également l’avantage de faire sortir du bois des gens comme
vous, ce qui renseigne assez bien sur les mœurs politiques.
Vous pensez sans doute être un bon chien de garde de votre
parti, la République en marche. Vous pensez le servir en
montrant que vous veillez à ce qu’on ne commette pas le
crime de lèse-majesté en s’adressant à votre président. Vous
auriez pu réfléchir à ce que cette lettre pouvait apprendre
au Président de la République là où vous n’avez songé qu’au
Président de « La République en Marche ». Vous savez que la
majorité parlementaire confortable de votre parti l’expose à
suivre la pente de la facilité. De nombreuses critiques lui
reprochent une personnification du pouvoir, un
autoritarisme, une opacité dans les processus d’organisation
interne (cf. l’élection de M. Castaner) et le recours facile
au gouvernement par ordonnances, avec des députés formant
une majorité « godillot » où le débat est occulté.
Tout dans votre attitude vient donner corps à ces analyses
et montrer combien elles sont fondées. C’est pourquoi, à
tout prendre, je me demande si vous avez raison d’apparaître
ainsi sur les réseaux sociaux pour décrédibiliser quelqu’un
qui ne cherche qu’à rendre hommage à un camarade disparu
héroïquement et à attirer l’attention du chef de l’Etat sur
le manque de délicatesse et de précision de son discours.
Les quelques lecteurs de ce « post » auront pu au passage se
rendre compte que pour l’attaché parlementaire de la
République en marche « L'esprit de parti abaisse les
plus grands hommes jusques aux petitesses du peuple »
comme l’avait remarqué La Bruyère, qui s’y connaissait en
caractères.
Un petit parallèle me vient même à l’esprit un instant,
avant que je le chasse : auriez-vous courageusement voulu
vous « payer » sans risque un colonel, comme vos chefs, MM.
Macron et Castaner ne se sont pas privés de se « payer » le
Général Pierre de Villiers, chef d’Etat-major des armées ?
Je sais tout ce que cette hypothèse peut avoir d’immodeste
pour moi, mais je vous la propose pour deux raisons : la
première, c’est que le chef d’escadrons Pierre de Villiers a
formé le lieutenant Sastre à Saumur de 1988 à 1989 et que
cette proximité me permet de l’évoquer comme un clin d’œil.
La seconde est que Pierre de Villiers est un grand soldat,
un grand Français, un grand Vendéen, dévoué au service de sa
Patrie, et que vous avez eu tort de traiter par le mépris et
par l’insulte.
Vous aurez sans doute apprécié que je vous laisse le
bénéfice du doute en employant à votre intention les mots
« grands hommes » quoique vous n’ayez pas eu pour
moi la même libéralité. Du haut de vos certitudes
d’attaché parlementaire, il vous a semblé de bon aloi de
mettre en doute mon intelligence. Je ne vous en veux pas :
je ne m’en sers plus guère, surtout sur les réseaux sociaux
où elle est d’une faible utilité. J’ai beau savoir depuis
longtemps que « passer pour un idiot aux yeux d’un
imbécile est une volupté de fin gourmet », je n’en ai
pas moins de peine pour vous. Ne sachant qui vous étiez, je
suis allé me promener sur votre mur où vous pensez mériter
les prébendes que vous octroie le député Pierre Henriet pour
l’assister.
J’y ai découvert sous votre plume :
- le 15 décembre 2017 : « Il y a 51 ans, l’un
des plus grand visionnaires que le monde moderne est connu
nous quittait » (il s’agit de Walt Disney, j’espère que
tous l’avaient reconnu)
- Le 13 décembre 2017 : « Et si on prenais le temps de
réfléchir… »
- Le 15 novembre 2017 : « … la cathédrale de Luçon
s’habillera bientôt de ses plus beaux atouts de lumière… »
Vous vouliez sans doute parler d’atours : la belote
vous aura trompé.
Je ne vais pas plus loin, car je suis accessible à une forme
de mansuétude, de la même façon que vous devriez l’être à
une forme de modestie.
Je vous souhaite bien le bonsoir.